Frites ou salade ? Ou pourquoi les régimes font grossir

Chaque été c’est la même chose, à l’approche des vacances et avant la plage, on doit préparer son « beach body », les magazines sortent leur nouveau régime, il va falloir choisir son maillot et perdre 5 kg.

Alors au resto, c’est frites ou salade ? La salade c’est raisonnable, c’est frais, c’est bio, mais c’est frustrant et le risque c’est de craquer sur l’assiette du voisin ou ce soir à la maison… les frites c’est bon, c’est croustillant, mais c’est gras, c’est salé, mauvais pour la ligne et la conscience, on s’en veut après les avoir mangées.

Au final aucune bonne option.

On est nombreux.ses à vivre ce dilemme, aujourd’hui en France 3 femmes sur 4 font un régime une fois par an. 60 % des femmes se trouvent trop grosses, 84 % des français.ses pensent que perdre du poids leur permettrait de se sentir mieux dans leur corps. ( * Inserm/Opinion way et Qilibri juin 2020). 

Et ce n’est pas nouveau, depuis longtemps les femmes et hommes cherchent à contrôler leur poids et leur alimentation pour correspondre aux canons de l’époque. Maigrir en arrêtant le sucre, le gras, en comptant les calories, en dissociant, en associant, avec des substituts, des compléments, du faux sucre, du faux gras, des produits allégés, enrichis, complets, des diurétiques, des laxatifs, des coupe-faim, des vitamines, des amphétamines, en courant, en nageant, en dormant, en se massant, avec des crèmes, des injections, de l’hypnose, des groupes de parole, la chirurgie… ( * «  maigrir c’est fou !  » Gérard Apfeldorfer, ed. Odile Jacob)

Les régimes sont toujours plus nombreux, et pourtant ils sont un échec dans 95 % des cas : on reprend le poids perdu, et même davantage. Paradoxalement plus on fait de régimes plus on grossit. 

Le point commun à tous les régimes c’est le contrôle mental qu’on cherche à exercer sur son comportement alimentaire, dans le but de ne pas prendre de poids ou d’en perdre. 

Ça commence toujours de la même manière :

– La décision de changement : ça y est on a trouvé LE régime miracle, on prend son poids et sa vie en main. Au début on contrôle, on calcule, on mange moins et ça marche : on perd du poids et c’est grisant, c’est «  la lune de miel du régime  ».

– La frustration : avec le temps ça devient plus difficile et les envies de manger sont plus fortes. Il y a les anniversaires, les apéros, les chocolats à Pâques. On est frustré.e mais on résiste. 

C’est la lutte jusqu’à

– La désinhibition  : on craque, on mange tous les aliments dont on s’est privé.e. Mais beaucoup, vite, et sans plaisir, «  Foutu pour foutu, autant en profiter et finir la baguette, la tablette  » 

– La culpabilité : les reproches et la déprime, «  Je suis nul.le, je n’y arriverai jamais, j’ai aucune volonté  » 

– La résolution : on ne rachète plus de chocolat, on évite les apéros et les boulangeries. 

– Les réparations : du sport, un jeûne, ou des vomissements et laxatifs.   

Et ça se passe comme ça parce que ce qu’on ne dit pas dans les magazines, c’est que la restriction et la frustration alimentaire ne sont pas tenables sur le long terme : les régimes créent des obsessions alimentaires. Si 95 % des personnes qui perdent du poids finissent par le reprendre dans les 5 ans, c’est à cause de ce cercle vicieux : plus on se retient plus on se frustre, plus on se frustre plus on craque, plus on craque plus on se retient… 

Cela a été observé dans l’expérience de Keys-Minnesota : le Professeur Ancel Keys de l’Université du Minnesota, s’est intéressé après la seconde guerre mondiale aux effets de la privation de nourriture. L’objectif était de mieux prendre en charge les victime de malnutrition et les ressortissants des camps de prisonniers. 

Il a proposé à des volontaires de se soumettre à une expérience de sous alimentation, suivie d’une période de ré-alimentation. Il a ainsi, après une phase d’observation avec une alimentation normale, donné à 36 jeunes hommes en bonne santé physique et psychologique la moitié de leur ration alimentaire habituelle pendant 6 mois. Malgré leur motivation tous manifestent vite fatigue, apathie, irritabilité et variation d’humeur. Une faim constante et une obsession pour la nourriture les amènent à développer des stratégies pour prolonger la durée de leurs repas, comme mâcher longuement de minuscules bouchées, des rituels comme ceux observés dans les troubles alimentaires. 

Passés ces 6 mois ils connaissent une phase de réalimentation contrôlée, mais tous sont dans  l’impossibilité à se rassasier, les envies de manger restent obsessionnelles. Puis dans une phase de liberté totale face à la nourriture, loin d’être soulagés et de reprendre une alimentation habituelle, ils sont incapables de se maîtriser et développent des compulsions alimentaires. Des années après, nombreux ont gardé une obsession pour la nourriture. 

Cette expérience peut paraître extrême mais quand on suit un régime on peut justement s’imposer des restrictions extrêmes, se priver de nourriture, et par exemple se limiter à un apport de 1500 calories par jour, ce qui équivaut à l’apport en énergie recommandé pour un enfant de 5 ans. 

Quand le corps fait face à une privation et à la baisse de son poids il met en place des réactions naturelles pour retrouver son poids de départ (très fortes envies de manger, obsessions alimentaires). C’est un système de survie contre lequel il est vain de lutter. On remarque aussi que les privations, encore plus quand elles sont répétées, ont des conséquences psychologiques délétères durables sur le comportement alimentaire. 

Quand on est au régime on passe son temps à penser à manger et à lutter contre ses envies. Plus on y pense, plus on lutte, et plus on lutte, plus on y pense…

Oui mais, si on est insatisfait de son corps et de son poids, on fait quoi ? Et comment manger tranquillement et en toute sécurité si on pense que certains aliments font grossir, et si on constate que quand on relâche la vigilance on mange sans faim et sans fin ?

Pour répondre à toutes ces questions, des pistes existent : se libérer progressivement du contrôle, apprendre à répondre à ses sensations alimentaires, à la faim, aux envies, à manger avec plaisir et spontanéité. On peut aussi interroger les standards de beauté contemporains, questionner les règles et interdits alimentaires supposés faire maigrir. 

A suivre…

Texte : Julie Chrétien – Illustration : Stephanie Violo.

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