Le syndrome de l’imposteur

Certaines personnes pensent ne pas mériter leur réussite. «  L’imposteur  » ne se sent pas à la hauteur de ce qui lui arrive, et cela va au delà des doutes qu’on peut parfois tous ressentir. Ce syndrome se distingue de la simple modestie par son intensité et ses conséquences. Il touche autant des hommes que des femmes, et ne concerne pas seulement la vie professionnelle, où il a d’abord été repéré. On peut ainsi se sentir un mauvais employé, une mauvaise mère ou un conjoint défaillant.
L’imposture évoque l’idée d’une tromperie, mais dans ce cas précis c’est l’imposteur qui en est la première victime. La réussite et les succès apparents ne le rassurent pas. Douter de sa valeur est une source d’angoisse, car l’imposteur redoute d’être démasqué. «  Je ne mérite pas cette promotion et quelqu’un va finir par s’en rendre compte  », «  mon mari me complimente mais il ne se rend pas (encore) compte de mes défaillances/défauts/erreurs  ». On est sur le qui-vive, dans un état de surveillance permanente de soi-même et du regard des autres. Cette grande souffrance est souvent gardée secrète, pourtant on estime que près d’un tiers de la population est concerné.

Quand on dénigre ses compétences, on se sent surestimé par son entourage, avec l’impression de tromper son monde. L’auto-dépréciation, le refus des compliments, la crainte d’être démasqué, et l’extrême attention portée à l’impression qu’on donne ou au jugement des autres peuvent avoir des conséquences importantes : une grande fatigue physique et émotionnelle, une forte anxiété sociale jusqu’à l’isolement.
On observe deux réactions :
L’évitement des situations dans lesquelles on se trouve confronté à cette peur de faire des erreurs et d’être démasqué, comme prendre parole en public, passer un examen, ou se trouver au centre de l’attention. Des évitements qui peuvent aller jusqu’à freiner une carrière professionnelle ou une relation amicale, empêcher de s’épanouir ou se réaliser.
Le surinvestissement dans le travail et l’effort pour se rassurer, au risque d’un épuisement à la tâche, mais sans pour autant se sentir satisfait d’avoir réussi. C’est le sentiment d’avoir évité le pire qui domine.

En plus d’un défaut d’estime de soi et le perfectionnisme, il y a aussi des erreurs de jugement :
On dénigre ses réussites : l’imposteur attribue ses réussites à des facteurs externes à lui, la chance, le hasard, ou encore la gentillesse des autres. «  J’ai toujours eu beaucoup de chance, j’ai eu mes examens parce que les profs m’aiment bien, mon patron est très indulgent avec moi…  » Il ne s’attribue pas la maîtrise de ces situations, ce qui mine la confiance en soi.
On exagère ses échecs : on endosse la totale responsabilité des échecs, comme preuve évidente de son incompétence. «  J’ai encore mal fait, je le savais, c’est bien la preuve que je ne suis pas à la hauteur de la mission qu’on me confie  ».
Ce qui conforte dans le doute et la nécessité de dissimuler son insuffisance à son entourage. En arrière plan on trouve la crainte très forte de perdre l’amour de l’autre en cas d’erreur. L’estime qu’on se porte est subordonnée à celle des autres…

La compréhension des mécanismes en jeu et les origines de ces craintes aide à une première prise de distance avec l’angoisse. Des explications existent, en lien avec l’éducation reçue enfant, des parents et de l’école : Un enfant peu encouragé ou reconnu par son entourage, critiqué mais pas complimenté ; des injonctions à une réussite sans condition : «  on est bon ou mauvais, on ne vaut rien si on ne réussit pas mieux que les autres…  » ; Ou encore la valorisation de la performance plus que de l’effort et de l’apprentissage par essais progressifs. Sans oublier les facteurs sociaux, les trajectoires sociales, quand on quitte un milieu modeste pour un milieu plus dominant après des études, même s’il apparaît que ce profil d’imposteur se trouve dans différents milieux. La comparaison avec les autres se fait quel que soit le milieu social.

Les pistes pour sortir de ce cercle vicieux :
D’abord mieux repérer ses idées dénigrantes et ses peurs, ainsi que les situations dans lesquelles elle surviennent. Mieux repérer aussi ses réactions, comme la procrastination ou l’évitement.
Travailler sur le perfectionnisme : apprendre à évaluer plus finement et objectivement ses progrès, ses réalisations, et selon quels critères, pour «  encaisser  » les réussites quand on les identifie.
Travailler à une acceptation de soi plus inconditionnelle. «  Quelle est ma valeur intrinsèque quels que soient mes réalisations ou le jugement des autres ?…  »
Apprendre aussi à relever et s’approprier les compliments de l’entourage.

Un accompagnement avec un spécialiste peut contribuer à restaurer l’estime de soi et la confiance en soi.